“La première fois” se décline de manière multiforme, en tout cas dans le langage pulsionnel, de la première tétée à la première relation sexuelle. L’ennui, c’est que la première fois ne peut être narrée au présent par ses acteurs. Elle peut être anticipée ... “Je ne l’ai jamais fait, je voudrais que cela soit comme ça etc...”. Racontée, elle est déjà reconstruite, elle engage un amont et du même coup crée un aval. Et si nous imaginions une saisie de l’événement en live, le résultat descriptif ne serait pas à la hauteur de son véritable contenu dans la mesure où il impliquerait le regard de l’autre, du tiers comme interprète de la partition qui nous intéresse.
Qui peut dire en effet la première fois, sinon dans le récit, où le passé recompose l’événement de ses attentes et de ses inflexions, de ses attendus et de ses surprises. Y a-t-il une toute première fois et si oui que peut-on en saisir ? Ce constat paraît nécessaire à qui souhaite restituer à “la clinique des premiers entretiens avec les enfants et les adolescents” sa part substantielle d’originalité, de spécificité. Cette clinique-là échappe à la description, au cadrage bien qu’elle soit l’objet de chapitres argumentés dans les traités de psychopathologie. C’est un point sur lequel j’ai particulièrement insisté dans mes travaux et dans mon enseignement. Passée l’appropriation de mots et de représentations qui permet l’échange ultérieur, (comme la connaissance de l’alphabet autorise l’écriture) les premiers entretiens avec les enfants et les adolescents apparaissent comme contenant déjà l’histoire : celle du patient et la nôtre. Quel enfant, quel adolescent avons-nous été ? Quel miroir de nos idéaux ou de nos blessures, de nos failles, celui que nous avons devant nous est-il pour nous ? Quelles indications nous donne-t-il sur…