Avant la première rencontre entre le consultant et un nouveau patient, il y a au moins un appel téléphonique consigné par écrit que notre secrétaire viendra lire dans ce point de rencontre hebdomadaire des consultants qui chez nous emprunte son nom à son lointain homologue sénégalais de l’hôpital de Fan, le pinch. Premiers appels, premières formulations maladroites ou au contraire trop construites de familles inquiètes, des plaintes qui feront ou ne feront pas de demande quand nous recevrons l’enfant. Notre secrétaire sait collecter cette information sans intrusion et nous la restituer. Mais quand même, un autre a anticipé notre première rencontre avec le patient : il en reste toujours cette trace écrite et le souvenir d’une impression.
Valéry, comme beaucoup d’adolescents, a appelé de lui-même et sa feuille de pinch est inhabituellement concise : c’est un garçon de 16 ans, en première littéraire, conseillé par l’infirmière d’un lycée parisien que j’avais déjà rencontrée. Il souffrirait d’impuissance, “sans autre commentaire” conclut l’accueillante téléphonique. Je me souviens de l’effet de violence produit sur moi par ces quelques mots : adolescent-16 ans- impuissance- sans autre commentaire. L’appel conjuguait de manière saisissante la double violence sexuelle, imaginaire et réelle, dont l’adolescent se fait la victime. D’une part, la violence réelle du fait pubertaire : c’est le fait biologique de la maturité génitale qui s’impose à l’adolescent, souvent malgré lui. D’autre part, la violence imaginaire du fait social qui met cette maturité génitale au service d’une exigence toujours accrue de performances ; tout concourt dans notre société contemporaine à cliver la sexualité en acte, des investissements libidinaux qui la sous-tendent. Si on admet que les adolescents sont encore des enfants nostalgiques dont la maturité affective est en retard sur la maturité biologique, alors nous pouvons comprendre les adolescents à la lumière…