Vous avez dit « psychothérapeute » ?
Éditorial

Vous avez dit « psychothérapeute » ?

Le projet de décret d’application de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et plus particulièrement au statut de « psychothérapeute » jetterait, comme le dit le communiqué du Syndicat National des Psychologues « le public entre les mains d’une nouvelle profession labellisée par l’Etat, formée en moins d’un an (400 heures), avec seulement cinq mois de stage », avec un pré-requis de « niveau licence » toutes filières confondues. Ce projet de décret crée insidieusement une nouvelle profession, rivale de celle de psychiatre et de psychologue, de niveau de formation extrêmement bas. Ces nouveaux psychothérapeutes pourraient à terme remplacer les psychologues sérieusement formés (cinq ans d’études en psychopathologie clinique, trois années de stages supervisés, plusieurs mémoires théorico-cliniques, acquisition de techniques spécifiques en tests projectifs, entretiens cliniques, pratiques institutionnelles et groupales) dans les institutions médico-psychologiques. Ces techniciens para-médicaux pourraient même menacer le métier de psychiatre. En effet le cahier des charges lié au projet de décret réduit la psychopathologie clinique à un fatras de notions et de méthodes hétérogènes, disqualifiant du même coup la tradition de pensée psychopathologique et de rencontre clinique de la psychiatrie française. Le « titre » de psychologue précisément parce qu’il ne prétend pas constituer une garantie de compétence en psychothérapie, pousse nos étudiants devenus psychologues praticiens débutants à continuer leur formation en un devenir psychothérapeute. Si la « psychothérapie » devait devenir ce type d’aide minimaliste, alors il nous faudrait dire haut et fort que nous ne sommes pas psychothérapeute, mais psychiatre, psychologue, psychanalyste. Les psychologues n’ont pas assez lutté pour faire reconnaître leur singularité, et les discussions des psychanalystes sur ce qui dans leur clinique relève respectivement de l’analyse et de la psychothérapie sous-estiment le contexte. Mais il ne s’agit plus tant désormais d’une défense corporatiste que d’un grave problème de responsabilité face à nos concitoyens que ce projet de décret méprise foncièrement.