« Il ne se passe entre eux rien d’autre que ceci : ils se parlent. » Freud, 1926
Le travail du psychologue clinicien en cancérologie pose de nombreuses questions tant institutionnelles que théoriques et cliniques. Je voudrais me centrer sur l’écoute qui permet au transfert de se déployer et au contre-transfert de suivre son chemin entre rives et dérives, comme le titre Paul Denis (2010). Je parlerai de mon expérience et de mes questionnements dans un Centre de Lutte contre le Cancer. Je déclinerai les différents cadres de travail proposés pour les patients, leurs enfants et leurs familles. Écrire, c’est témoigner. Cet écrit n’aura pas d’autres prétentions.
LES COMMENCEMENTS
Longtemps, au bout du couloir, une porte m’intriguait. Le service de Pédiatrie me semblait vide après la grande agitation du matin. Seule cette porte à deux battants laissait entrer des médecins et des infirmières très affairés, inquiets, préoccupés. Derrière cette porte, il y avait cinq chambres qui accueillaient « les enfants d’onco-hémato ». Les enfants atteints de leucémie pour la plupart d’entre eux. Comment font ces enfants et ces parents pour supporter cela ? Le mieux était d’y aller. Demander l’autorisation et proposer une étude pour pouvoir rencontrer ces enfants et leurs parents. Une première étude, modeste, dans le cadre d’une licence de Psychologie Clinique qui portait sur le vécu de l’isolement d’enfants atteints de leucémie. J’ai donc rencontré et écouté ces enfants. Ces rencontres et cette écoute ont été le ferment d’une longue vie de travail en cancérologie.
Mais ces premières impressions sont souvent oubliées. Il n’est pas facile de les retrouver. Elles sont recouvertes par la banalisation, la méconnaissance volontaire des angoisses assaillantes qu’il faut bien appeler…