Le thème de ce colloque – vaste programme contenu en deux mots - m’a plongée tout un temps dans la perplexité quant à l’angle sous lequel je souhaitais le traiter : la dimension vague de mon titre, donné en ce temps d’indécision, le révèle. Trajectoires, certes, mais d’où à où ? Comme l’écrit, dans une de ses lettres, Madame de Staël, « il y a toujours des découvertes à faire dans le pays de la douleur » (1766-1817). J’ai oscillé d’un point à l’autre, reliant toujours affect et représentation, mais changeant de vertex : parlerais-je de la douleur de penser ou de la pensée de la douleur ?
Penser la douleur : c’est, tout d’abord, sous cet angle que j’aurais voulu traiter ce thème : comment pense-t-on la douleur ? A quoi sert d’y penser ? Cette pensée implique-t-elle – cela semble évident dans l’association des termes – une liaison entre affect et représentation, donc un niveau d’élaboration psychique susceptible de rendre supportable certaines douleurs ?
J’ai été cependant conduite très vite dans la voie contraire.
L’expérience de la douleur physique, celle dont traite souvent S. Freud, confronte ceux qui la connaissent, du moins au-delà d’une certaine intensité, à la mise hors jeu de la pensée : la douleur est là, taraudante, occupant toute la place, mobilisant la libido qu’elle retire aux objets sans pour autant l’ouvrir sur le traitement psychique : l’âme qui « se resserre au trou étroit de la molaire » (Freud, 1914) n’est pas une âme disponible. Tout au contraire, la douleur intense empêche de penser, et cet empêchement lui-même devient cause de douleur – ajoutant la douleur d’une perte narcissique à celle qui vrille le corps. Dans Au delà du principe de plaisir (1920), Freud fait remarquer que les…