Pourquoi fume-t-on ? Voilà une question complexe à laquelle Freud lui-même, grand consommateur de tabac, n’a jamais réellement apporté de réponse, malgré ses vingt cigares quotidiens. Les seules pistes que l’inventeur de la psychanalyse nous a ouvertes pour comprendre cette pratique (quelques lignes seulement dans toute son ouvre), nous conduisent à la fois du côté de l’oralité du tout petit et de ses pratiques masturbatoires, le «besoin fondamental», selon lui. On imagine peut-être mieux, à la lumière de cette dernière explication, pourquoi fumer, est devenu une activité proscrite en public et dangereuse pour la santé, comme le pensaient les hygiénistes du XIXème siècle à propos du plaisir solitaire !
Qu’advient-il d’un symptôme lorsqu’on le déloge de force, ou que l’on tente de l’éradiquer ? Il se déplace, c’est Freud aussi qui nous l’a appris. Il est dorénavant interdit de fumer dans tout lieu public, l’objet tabac doit même disparaître de toute représentation, que ce soit dans la publicité, les photos de mode ou les films. Alors quel nouveau symptôme va remplacer celui-ci, et sous la forme de quel nouvel objet ? Si l’on pense que la cigarette, entre autres fonctions, servait d’objet contra-phobique et comblait à sa façon le manque originaire, alors le téléphone portable, déjà largement en place, est tout indiqué pour lui succéder entre les mains fébriles de nos contemporains ! Porté aux lèvres pour calmer l’angoisse, palliant le manque par la formule devenue classique : «T’es où ?», son usage ne peut que s’amplifier et, pour confirmer ironiquement cette hypothèse, voici que son usage commence à inquiéter la Faculté, comme présentant un risque majeur pour la santé. Verrons-nous bientôt une inscription obligatoire orner notre indispensable accessoire : «Téléphoner tue» ?