Aujourd’hui encore, la notion de « médiations corporelles » est assez mal repérée (c’est pourquoi j’en suis revenue à celle de techniques du corps selon Marcel Mauss). De plus, leur recours en psychothérapie plus que dans d’autres champs, est soit déprécié soit survalorisé selon les références théoriques qui les portent. Il est vrai que la dérive tardive de W. Reich1 renforcée par son élève A. Lowen à propos de ce qu’ils ont appelé la végétothérapie puis la bioénergie donne un exemple typique du danger de simplification de la conception du lien corps/psyché : réduire physiquement les tensions ou cuirasses musculaires entraînait de facto pour ces praticiens la suppression des forces répressives des défenses du moi des névrosés ! Une telle conception revient à courtcircuiter ni plus ni moins la dimension du fantasme et celle inhérente à la création du lien corps/psyché, lequel est susceptible pour certains sujets d’être enrichi, voire émergent, à partir d’un usage psychothérapeutique des techniques du corps : ce que je propose d’expliciter par ce qui suit.
Les techniques du corps, une culture sui generis
En 1934, le sociologue et anthropologue Marcel Mauss (1873-1950), auquel Freud se réfère en 1912-13, prononça devant la Société Française de Psychologie une conférence intitulée : Les techniques du corps2. Il désigne ainsi « les façons dont les hommes, société par société, d’une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps »3. Cette définition très large s’applique aux attitudes comme aux actions du corps, aux façons de manger, de boire, de se reposer, de marcher, courir, nager, comme à l’hygiène du corps, au sommeil ou à la danse. De même faire l’amour, accoucher, langer, nourrir, sevrer un enfant relèvent pour lui des techniques du corps. Le terme vaut pour « tous les modes de dressage, d’imitation…