Le soin psychique est il une rencontre, un accompagnement, une sorte de croisée de destins ? Dans Œdipe sur la Route, l’écrivain Henri Bouchau inscrit l’errance dans cette multiplicité des relations humaines, et dans les origines d’une « histoire mythique : destin sacrificiel, long cheminement vers une place symbolique dans une lignée parentale ; elle est une création de sens, une façon de cheminer dans l’aveuglement, vers ce but marqué par la méconnaissance et le désir d’une inscription possible ». Ce détour mythique ne peut qu’interroger la tentation moderne de comptabiliser ce destin dans l’addition de manques et de pertes, accumulation de limites normatives dont la plus value gestionnaire l’emporte de façon cynique sur la moins value d’un psychique pathologique (une forme de psychose ?). Quant il s’agit d’une précarité d’exclusion sociale, cette interrogation doit-elle nous faire conclure que la psychiatrie a pour « mission » de rendre compte, comme expertise, dans un langage psychopathologique, d’un symptôme social qui dérange et fait désordre public ?
Nous avons souligné, dans un article antérieur, la logique d’inscrire la folie et l’errance dans un discours de pouvoir qui fixe le fou comme un être minoré (Michel Foucault) et son extension, dans le passage d’une société disciplinaire à une société de surveillance, à l’ensemble des discours et des pratiques sociales : un regard de la science qui naturalise comme une identité l’incapacité des exclus à s’intégrer dans les valeurs normatives ambiantes. Rappelons aussi combien nos pratiques cliniques avec les précaires témoignent d’une souffrance psychique d’abord subjective : dans la souffrance psychique nous sommes en présence de sujets qui réagissent globalement à la perte par des défenses d’alerte pour y faire face ; dans le pathologique le sujet est réduit au symptôme comme une norme unique, ses défenses vivantes ayant été débordées. Elles montrent également que plus qu’une…