“On ne voit plus très bien comment (la théorie psychanalytique) qui se désintéresse à ce point de l’environnement pour y faire prévaloir des idées issues du seul cadre analytique, peut mériter de l’intérêt dans le patrimoine des connaissances actuelles. Une psychanalyse qui dissocie à ce point ce dont elle est témoin dans le monde et ce qu’elle est amenée à connaître à l’intérieur du cadre analytique devient littéralement schizophrénique.”
Dans le numéro 19 (juillet 1996) de Carnet/PSY, le dossier portait un titre, à l’époque, inédit, Internet et Santé mentale. Dans le billet d’humeur, Serge Lebovici invitait ses collègues à découvrir les promesses, pour la recherche et la formation, de cette toute nouvelle technologie. Il faisait alors partie de ces rares cliniciens qui s’étaient équipés, utilisaient le courriel, surfaient sur la toile, faisaient de la supervision en vidéo-conférence, ce qui lui permettait d’écrire en praticien : “la discussion de nos attitudes et de nos contre-attitudes ne peut être que facilitée par l’utilisation de ces techniques”.
Carnet/PSY venait fièrement d’inaugurer son site Internet. Dans l’introduction de ce dossier, nous insistions sur la forte convergence entre l’objectif premier de la revue -le partage interactif d’informations pertinentes dans la communauté des cliniciens psychanalystes, psychiatres, psychologues-et les potentialités émergentes du nouvel outil Internet. Nous pointions aussi combien ce jeune médium exprimait déjà, comme toute création technologique, la palette des gradients de la créativité et de la destructivité humaine. Si, d’emblée, le lien numérique interhumain tissé sur la Toile s’imposait comme tour à tour transitionnel ou aliénant, alors, il fallait sans plus attendre élaborer et intégrer au quotidien de notre clinique une véritable psychopathologie psychanalytique des usages de la réalité virtuelle.
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