Jusqu’alors, la revue Traits d’union avait une puissante valeur imaginaire dans la mythologie, puisque ses textes, souvent cités par les acteurs du mouvement de Psychothérapie Institutionnelle, n’étaient pas accessibles au lecteur intéressé, sauf à se rendre à la bibliothèque de l’hôpital François Tosquelles de Saint Alban. Alors que l’histoire de Saint Alban connaît un regain d’intérêt du fait de la parution de l’essai très réussi de Didier Daeninckx, Caché dans la maison des fous, relatant le passage de Denise Glaser en 1943 pour échapper aux persécutions antisémites, ainsi que celui de Paul et Nusch Eluard pourchassés par les nazis, et montrant à l’œuvre le travail civilisateur de Tosquelles et Bonnafé dans cet asile perdu de la Lozère profonde, il est singulier que les textes écrits par Tosquelles dans Traits d’Union entre la date de sa création, 1950, et celle de son départ, 1962, sortent soixante cinq ans après, à peu près à la même époque. Nul doute que Daeninckx a su retrouver de façon intuitive à partir des documents consultés, l’ambiance au sein de laquelle une des plus notables révolutions psychiatriques a pu se construire.
Mais si cette période de la guerre 39-45 a été féconde pour l’instau-ration de ce que Daumezon et Koechlin allaient appeler « Psychothérapie Institutionnelle » en 1952, il ne faut pas oublier le travail intense que son approfondissement a demandé aussi après la fin de la guerre. Il a fallu faire connaître aux plus motivés l’expérience de Saint Alban, convaincre les sceptiques, faire avec les opposants à tout changement dans les asiles, et surtout mettre les décideurs dans « le coup » d’un processus d’évolution nécessaire du service public de psychiatrie. Pour ce faire, Tosquelles, Bonnafé, chacun avec des voies différentes, mais aussi Daumezon, Germaine le Guillant, et beaucoup…