Voilà un livre qui tombe à point nommé ! Juste à un moment politique complexe au cours duquel nous voyons successivement déconstruites les valeurs fondamentales qui avaient fait tout le sel de la fin du 20ème siècle, et notamment en matière de psychiatrie à visage humain. La psychiatrie asilaire, croyait-on naïvement, était définitivement reléguée après sa mise en accusation pour les 45 000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques au sortir de la deuxième guerre mondiale. C’était sans compter sur son retour sous forme d’asiles périphériques nombreux dans les pratiques d’aujourd’hui.
L’avènement de la psychiatrie de secteur, rendue vivante par les concepts de la psychothérapie institutionnelle, avait initié des pratiques nouvelles pour les patients atteints de souffrances psychiques graves et une réflexion permanente sur les institutions qui les accueillaient. Nous savions désormais ce qu’il convenait de mettre en place pour soigner nos frères les malades mentaux de façon toute humaine, et il ne restait plus qu’à enseigner, convaincre, discuter avec toutes les personnes composant les équipes de psychiatrie et également, bien entendu, avec nos relais dans la cité, les élus, les représentants d’associations, les professionnels des champs sanitaires, éducatifs, sociaux, et les patients eux-mêmes et leurs familles… Ces rencontres lorsqu’elles ont eu lieu ou continuent d’avoir lieu, permettent de construire une psychiatrie non pas seulement dans la cité, mais surtout avec la cité et ses membres, illustrant au quotidien les multiples possibilités de vivre ensemble et différents.
Le livre que vous allez lire retrace admirablement cette histoire à partir du point de vue d’un des alliés historiques du psychiatre, l’infirmier en psychiatrie. Mais pas n’importe lequel d’entre eux, Yves Gigou. L’homme a une histoire particulière. A l’instar de beaucoup d’entre eux, et après…