L’époque est à la fête. Juive. Fêter l’année nouvelle, 5775ème du genre, se souvenir, se pardonner et pardonner aux autres. Je lis L’individu ingouvernable dans ce calendrier-là. Et puis L’usage des corps d’Agamben. Je pense à l’œuvre, pénétrante et passionnée de Gori, livres après livres, comme autant de perles ou de grains d’un drôle de chapelet. Je me suis demandé un temps de quoi Roland Gori était le nom et j’en étais arrivé à cette assurance qu’il n’était rien d’autre que le nom d’une figure contemporaine de la révolte et de la passion. La révolte du côté d’Albert Camus, ainsi qualifiée dans L’homme révolté (Paris, Gallimard, 1951) : « Qu'est-ce qu'un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas : c'est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. » La passion du côté de Descartes qui en trouvait la cause « dernière et plus prochaine », dans l’agitation des esprits. Et Dieu sait si Roland Gori est un agité de la pensée mais pas du genre de ces « singes de l’esprit » qui, pour les bouddhistes, d’il y a déjà plus de 2000 ans, frétillaient d’instabilité, de caprices, de fantaisies, d’inconstance et de confusion : mentors en zapping de pensées, gourous de la pollution idéique comme on en voit tant aujour-d’hui, qui ont leurs idées sur tout, tout le temps, bruyant de toutes parts.
Peter Sloterdijk évoquait il y a quelques années la « léthargo-cratie » de nos dirigeants politiques, imprégnés de la sagesse de ne rien faire, dans une ère qui promeut la transformation de la politique en activité palliative, nos gouvernants n’exerçant plus qu’une fonction de premier secours quand l’accident et la crise priment : tous ces gestionnaires, technocrates, qui n’ont de rhétorique…