S’il existe des ouvrages traitant du dessin chez l’enfant (D. Widlöcher; M-C Debienne; A. Anzieu, J-C Aublé & coll…), il est plus rare de trouver une étude consacrée au travail psychanalytique qu’entraine l’emploi de cet outil dans le cadre de la thérapie; ce mode d’expression de l’inconscient est à rapprocher des associations libres en situation analytique. Il peut y avoir confusion pour le thérapeute entre le sens donné à la représentation perçue dans le dessin, risquant d’entrainer une banalisation, et une dynamique transfert/contre-transfert.
Les auteurs livrent ici l’aboutissement de nombreuses années d’expérience en articulant leur réflexion autour de trois thèmes: une étude historique relatant l’utilisation du dessin par les psychanalystes d’enfants, l’étude de l’utilisation clinique et analytique du dessin au cours des thérapies, et enfin, des perspectives métapsychologiques . Le dessin dans tous ses états: au cours de la consultation en psychosomatique (épilepsie, allergologie , …) son utilisation dans la cure de l’enfant psychotique, l’interprétation psychanalytique des dessins. Les illustrations cliniques présentées par des psychothérapeutes sont commentées par Annie Anzieu; des perspectives métapsychologiques sont proposées par Loïse Barbey.
L’enfant, en quête de représentations symboliques effectue un passage du moi corporel au moi psychique à travers la représentation graphique qui est une trace identitaire du soi, une enveloppe moïque et narcissique; il a une fonction élaborative du lien avec l’objet dont la trace est symbolisée dans l’introjection transférentielle en devenant trait. Traits narcissiques, objectaux, de l’affectivité de l’enfant, de ses souffrances, de ses mouvements libidinaux, destructeurs… le dessin signifie les stades organisateurs : la main condense, lors du dessin, un matériel pulsionnel intense. La dynamique du dessin est le fruit du fantasme mis en image par le corps dans l’acte de dessiner; le fantasme est au coeur du conflit psychique; c’est une mise en scène du désir et de son interdit; il est visuel, comme le rêve et sa mise en scène représentative est celle d’une action; l’acte graphique en est une. Le dessin aide à élaborer, dans l’espace analytique, des éprouvés transférentiels qui sont travaillés en séance; le pré-conscient est considéré comme lieu du travail d’organisation de la pensée: l’enfant fait oeuvre d’existence en même temps que de pensée. Le silence au coeur duquel l’enfant dessine à côté de son thérapeute se construit dans l’espace psychique de l’enfant dans un délai fondateur lié au pré-conscient du thérapeute ; l’espace de la séance occupé par le dessin lui-même est un espace essentiel dans l’économie psychique de l’enfant. La main condense un fort potentiel pulsionnel, le dessin étant l’émergence de l’activité psychique en processus primaire; par le dessin l’enfant accède à un certain espace de pensée proche du rêve, « voie royale de l’inconscient ».
Ce mystère qu’est le dessin d’enfant et la fascination qu’il exerce ont, depuis un siècle, stimulé les recherches dans les domaines esthétique,, émotionnel ou psychanalytique. Ce témoin du développement psychique et de la dynamique affective de l’enfant, cet outil de communication est, dans ce livre, exposé par des psychanalystes d’enfants livrant leur expérience, témoignant de leur rigueur et faisant preuve d’un souci de clarté. Les cas qui y sont rapportés, les commentaires analytiques et les conclusions théorico-cliniques qui les accompagnent, la précision de la place et du rôle du psychanalyste face à un enfant qui dessine préparent le lecteur à aborder la théorisation qui clôt le livre, lui ouvrant par des perspectives métapsychologiques, des plages de réflexion permettant d’étayer sa pratique.
Fait par des psychothérapeutes d’enfants, ce livre s’adresse aux psychothérapeutes d’enfants, bien sûr, mais pas seulement. Il permettra à tout lecteur de comprendre qu’au lieu d’un mode de décryptage rapide apportant des significations toutes prêtes, toutes faites, le dessin d’enfant est un outil qui permet de voir l’enfant en train de devenir, dans un mode de relation; et plutôt que de s’en tenir à un regard sur l’image du dessin qu’il montre, entendons le langage qu’il nous est proposé d’écouter.
