Neuf auteurs ont contribué à ce numéro sur La trace, dont une première partie « Au fil des traces » est suivie par « Les Au-delà du plaisir ». D’emblée, Laurence Kahn souligne la « précarité de la trace », en psychanalyse : précarité de la trace mnésique — altération neuronale due au frayage de l’excitation — par définition dépourvue des qualités matérielles d’une trace qui la rendraient directement accessible, et précarité épistémologique, le concept étant contesté par les nouveaux psychanalystes, alors qu’il fonde l’ancrage de l’analyse dans un « fragment de réel », à l’opposé du relativisme historique. Si l’interprétation des traces implique la temporalité d’une mise en récit, en psychanalyse la reviviscence hallucinatoire des traces et les multiples détours de la déformation défont la linéarité de toute histoire de cas. Jean-Michel Lévy est sensible également à cette subversion des temps, la trace est pour lui « comme une porte qui donne accès non seulement au passé, mais à un autre présent, une temporalité transversale », ce dont Philippe K. Dick a fait spontanément l’expérience lorsqu’il affirme se rappeler « une autre vie présente ». Lévy interroge l’écart entre le souvenir, qui est figurable et la trace, qui ne l’est pas. Comment depuis la trace, peut advenir une figuration de l’excitation, puis une représentation susceptible de s’intégrer dans un réseau associatif, afin de déjouer un destin de répétition mortifère ? Dans « Littéralement et dans tous les sens », Jean-Michel Rey apporte des exemples saisissants de « gestion des traces », quand l’histoire se met au service d’une politique d’oubli. Edgar Quinet, Simone Weil — pour le christianisme indûment considéré comme anticipé par les Grecs — puis Nolte — pour un « révisionnisme minimisant » de la Shoah — se livrent à une « captation de traces », « traces en amont », « vestiges antérieurs », en vue de réduire ce qui du passé embarrasse et dérange, opérant un lissage de civilisation, dans l’optique erronée…
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