Au cœur de la pensée de Jean-François Chiantaretto se trouve le témoin interne, figure qui s’est d’abord imposée à l’auteur à partir de la résistance à la détresse et à la destruction dont témoignent certains témoins survivants de la Shoah. Cette figure dialogale interne s’inscrit dans le psychisme au moment de l’émergence du « Je » et son intériorisation dépend de la capacité de la psyché maternelle à donner à l’infans confiance dans le langage pour se voir et s’éprouver. Autrement dit, le « témoin interne » vient désigner la figuration intrapsychique du semblable en soi et incarne la confiance dans le langage pour s’auto-représenter, se représenter auprès des autres et inscrire sa place au sein de l’ensemble humain.
Dans son nouveau livre, La perte de soi, J.-F. Chiantaretto revient sur ce dialogue intérieur qui est un enjeu psychique fondamental pour tout un chacun, mais qui devient un enjeu vital dès lors qu’on est confronté à l’existence limite. À partir de toutes ses recherches antérieures, il éclaire la nature et le rôle du travail de pensée du psychanalyste en séance : de son interlocution interne. Seul ce travail peut permettre aux patients dit « limites » de transformer le sceau de la disparition qui emprisonne leur psychisme en une absence tolérable.
« Aux commencements était Freud » : dans ce credo légué par le fondateur de la psychanalyse à tous ses successeurs se trouve une injonction à hériter, mais encore faut-il se libérer des effets potentiellement inhibants de cet héritage. J.-F. Chiantaretto reprend dans la première partie du livre son analyse du corpus freudien comme mise en acte d’un fantasme d’auto-engendrement. Dans l’approche de la scène originaire proposée par L’homme aux loups, Freud est gêné par…