Avec son nouveau livre, Didier Lauru semble se détourner de l’amour, le thème de prédilection de ses précédents ouvrages : Père-fille, La folie adolescente, ou Folies d’amour. Un livre destiné à un public averti mais non spécialisé, qui lui donne l’occasion d’adresser à ses lecteurs son inquiétude de psychanalyste : dans la vie de ses patients, dans les séances, la haine infiltre tous les rapports sociaux qu’ils soient amoureux, familiaux, politiques ; la haine menace, selon lui, l’essor de la culture. Il introduit son propos par une question universelle : « Pourquoi tant de haine ? » et son dernier chapitre pré-conclusif est aussi une question : « Faire reculer la
haine ? » Autant dire que l’ouvrage n’apportera pas les réponses qui apaiseraient l’inquiétude de l’auteur.
« Ne pouvant prendre pour loi une parole qui énoncerait : « Tu haïras ton prochain comme toi-même », le principe religieux est édicté au nom de l’amour », Lauru propose ainsi le renversement de la parole biblique qui fait lien obligé entre l’amour et la haine, la première contre-investissant la seconde. L’auteur est sur le droit fil de la pensée freudienne évoquée dans son premier chapitre : « l’amour de soi fonde la haine », écrit-il à propos du bébé - ruthless, sans égard, aurait préféré écrire Winnicott. La haine se développe ensuite entre narcissisme et Œdipe.
Difficile alors d’établir un lien de causalité univoque entre haine de soi et haine de l’autre. Qui de soi ou de l’autre est cause de haine ? L’auteur hésite entre les deux options selon qu’il privilégie un narcissisme primaire pré-objectal, ou une altérité qui serait à l’origine du narcissisme. Peu importe l’ambivalence des sentiments, l’amour-haine est protecteur tant que la haine ne prend pas le dessus…