La psychopathologie psychanalytique n’est pas à l’abri des tentations classificatoires, même si les psychanalystes s’en défendent dès lors qu’ils sont pris dans les réseaux compliqués des transferts. Freud lui-même s’est régulièrement appuyé sur des comparaisons entre des organisations psychiques distinctes, plus précisément dans la mise en perspective des névroses et des psychoses. L’un des plus beaux exemples de cette démarche est présenté dans Le moi et le ça (1923) dans l’affrontement à la pulsion de mort, entre mélancolie et névrose obsessionnelle, reprenant à certains égards les propositions essentielles de Deuil et mélancolie (1915) mais suivant un cheminement très différent : si, en 1915, une étude approfondie du traitement de la perte en analyse, le destin normal ou pathologique, les prises de position de 1923 concernent plus précisément des modalités de fonctionnement psychique particulières liées à un diagnostic différentiel. Je reviens sur ces deux textes à dessein : la question de la perte, de sa difficile voire impossible élaboration constitue le noyau central, consensuel même des patients considérés comme Etats-limites.
Les troubles des limites, les zones floues entre dedans et dehors, les problématiques aux marges offrent une pluralité de formes dont on aurait tort de négliger l’extrême variance pour se concentrer uniquement sur le fond commun de caractéristiques faciles à stigmatiser : hétérogénéité du fonctionnement psychique, excès d’inhibition ou inflation de l’activité fantasmatique, massivité ou rétraction des affects, recours en actes ou immobilité paralysante, organisation défensive marquée par le clivage, la projection et le déni… La clinique se révèle riche en surprises trop vite appréhendées dans un cadre de pensée qui, dans une certaine mesure, pourrait constituer une réaction contre-transférentielle venant justement pallier le « défaut » de limites. Celui-ci explique les difficultés repérées dans la construction de l’expérience de perte : lorsque la séparation entre moi et…