Puisqu’il s’agit d’aborder l’enfant et l’adolescent dans la perspective des sexualités, je me suis demandé ce qu’était une sexualité adulte, ou comment la définir autrement que par des comportements. D’ailleurs, qu’est-ce qu’un adulte ? La psychanalyse aurait bien du mal à le préciser, sans recourir à des énoncés qui font vite penser à l’esprit sérieux de Sartre, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très réjouissant.
Mais j’ai aussi pensé à cette phrase énigmatique des Trois essais, qui marque, pour Freud, le point d’articulation entre l’enfant et l’adolescent : « Ajoutons enfin que, pendant la période transitoire de la puberté, les processus de développement somatique et psychique progressent les uns à côté des autres sans aucun nouage, jusqu’à ce que, une motion d’amour psychique intense opérant une percée qui vient à innerver les organes génitaux, l’unité normalement requise de la fonction amoureux soit instaurée.1 »
Cette innervation des organes génitaux à partir d’une « motion d’amour psychique intense » est une curiosité neurophysiologique, mais l’appel à la biologie est toujours indice de quelque chose de spécifique chez Freud. Cette étrangeté dans ce texte, réécrit plusieurs fois pendant presque vingt ans, témoigne d’une difficulté2 à laquelle chaque adolescent aura à se confronter, mais aussi d’une tension entre l’affirmation de « l’infantilisme de la sexualité »3 et la définition d’une sexualité adulte dite « normale », orientée vers la reproduction.
Rappelons que les Trois essais montrent que la pulsion sexuelle est chez l’homme fondamentalement dénaturée, non instinctuelle, et « la perversion est une part de la constitution qui passe pour normale », d’autant que, dans toute relation sexuelle « normale », de nombreux comportements sont des « amorces de ces aberrations sexuelles que sont les perversions ». L’enjeu pour Freud est de repérer l’organisation sexuelle du point…