L’expérience relatée ici est celle d’une Unité de Jour de pédopsychiatrie qui accueille majoritairement des adolescents dits limites.
Le confinement s’est imposé à son fonctionnement, engageant nécessairement, et très vite, la discussion de savoir comment maintenir un lien avec les patients. Habituellement l’adolescent pris en charge est accompagné, en plus de la référence médicale incarnée par un psychiatre sénior et un interne, d’un soignant référent (infirmier, ou éducateur ou ergothérapeute), lequel est référent aussi de quelques activités thérapeutiques. Ce dispositif nourrit une réanimation relationnelle précieuse en même temps qu’il soutient la nécessité de diffraction des investissements (le patient participe à des activités avec son référent, à d’autres sans celui-ci dont il pourra lui témoigner, en parler aussi dans les entretiens médicaux où le soignant est présent). Cet « espace psychique élargi » s’est donc trouvé apparemment inutilisable du fait de la prophylaxie antivirale qui limitait drastiquement les déplacements et interdisait la collectivité.
La crise « covid » intervient aussi dans un contexte économique où les Unités de Jour sont tenues de rendre des comptes, de justifier une activité où beaucoup d’actes soignants s’avèrent inévaluables, où la clinique nécessairement discontinue du temps de présence du patient échappe à la logique comptable. Si le mot d’ordre s’imposa vite de devoir justifier la permanence d’une activité, alors que les adolescents n’étaient plus présents dans l’institution, nous trouvions naturellement indispensable d’échanger avec eux et leurs parents, mais les modalités pratiques d’entretien à distance nous apparurent d’emblée très questionnables. Celles-ci, en effet, pouvaient refléter, poursuivre (viralement), un axe économique auquel nous ne cessons de nous heurter : l’évacuation de l’enjeu relationnel dans la thérapeutique, en particulier dans sa valence « tendre », c’est-à-dire de filtration des quantités. Pour tenir quelques principes de nos soins, raffinés en leur…