Lorsque je suis arrivée à la pouponnière de Lóczy de Budapest, il y a quelques années, pour faire mon stage, Anna Tardos (la directrice), Eva Kallo (une psychologue) et Juliana Vamos (psychologue de Lóczy/France) m’y accueillirent de la façon suivante : dans cette maison pour les petits enfants, je fus conduite dans une salle au centre de laquelle se trouvait une table où était posée une coupe largement garnie de fruits destinés aux nouveaux arrivants. Après une présentation précise du programme, pendant laquelle je goûtais aux fruits, je fus laissée seule dans une pièce où assise par terre, dans un coin, je pus observer des petits enfants jouant sur un tapis. Puis je présentais mon observation et une discussion s’en suivit. Le lendemain, je fis une nouvelle observation, celle d’une auxiliaire de puériculture en train de donner son bain à un bébé... Je revois encore son visage très légèrement souriant, un peu impassible, je revois ses gestes lents et calmes suivre ceux du bébé, ses doigts faire une valse tranquille sur son corps dénudé, j’entends encore la mélopée de sa voix enrouler par sa présence le bébé qui la quittait peu du regard... J’étais bouleversée...
C’est avec cette observation que j’ai compris ce qu’est « l’accordage affectif » dont parle D. Stern : une harmonie vibratile, l’effleurement de la peau d’une main en réponse à celle qui se tend, l’esquisse d’un geste qui accompagne ou soutient, l’écho d’un son paisible à l’adresse d’un babillage. Après-coup, j’ai perçu que ce que j’avais pu saisir de l’échange entre le bébé et la nurse était aussi ce que j’avais ressenti dans l’appui proposé par celles qui m’avaient accueillie : une présence attentive et discrète, une préoccupation réelle de ce que je pouvais vivre, sur une ligne à juste distance…