Notre rapport à la connaissance et au monde s’est vu transformé avec l’utilisation d’outils de communication qui ont impacté nos modalités relationnelles. Le culte de l’image semble avoir supplanté la connaissance de l’émotion partagée, scellant l’être au visible, excluant la profondeur de la subjectivité qui par essence est de nature complexe et énigmatique.
Notre rapport à autrui semble moins engager l’organisation mentale qui transforme l’expérience elle-même. La chose existe parce qu’elle nous est donnée à voir. La réalité est perceptible, temporelle, définissable, ineffable… Le crime semble lui aussi emprunter nos modalités de rapport au ça-voir ; actes de terrorismes tournant en boucle sur les chaînes d’information sans aucune analyse si ce n’est le descriptif de l’image déjà vue, actes de tortures postés sur internet. La terreur, née aussi de l’impossible transformation de l’image comme expérience subjective partageable, demeure alors tout au plus ré-actualisable et reproduite.
A la manière du cogito, je suis là où mon image advient, l’utilisation actuelle des modalités de l’image dénoterait d’un retournement de la position subjective. Pour qui la menace identitaire devient un péril en la demeure subjective, la version médiatique de l’être peut devenir une forme d’identité secourable. L’Etre, vu et perçu par le plus grand nombre, devient une créature-avatar portée par une forme de reconnaissance immédiate passant par le pouvoir, non des mots, non des idées mais des images dont la rapidité de propagation est un instrument de pouvoir absolu. Formidable don narcissique d’ubiquité. L’existence virtuelle transcende le pouvoir du sujet en repoussant les frontières de l’humain jusqu’à l’absolu d’où il renaît, au-delà de la matière de l’esprit et du visible, non vivant mais immortel.
Pr Magali Ravit