En 1974, après 8 années de travail de psychologue en pédiatrie et dans un Centre pour adolescents, S. Lebovici me proposa des vacations au Centre PMI Bd Massena dans le XIIIe Arrt, où travaillait le Dr M. David que je connaissais peu.
Très tôt, en même temps qu’une mise en place d’observations et d’échanges (discrets) avec le personnel et avec les parents, apparut (sans doute dans la perspective de diminuer les troubles liés à la collectivité) le projet d’ouverture d’une crèche dite Familiale où les enfants seraient accueillis au domicile d’assistantes maternelles recrutées et formées par l’équipe du Centre. Un lieu de ce type, géré par la CAFRP fonctionnait à Sarcelles, de manière semblait-il, assez intéressante. Il fallait donc obtenir l’accord de la municipalité de la Ville de Paris et la participation, au moins financière, de la CAF.
Une puéricultrice et un sociologue furent détachés à temps partiel par la CAF pour suivre l’élaboration du projet. Avec de multiples réticences, les Administrations finirent par accepter une période d’essai de 3 ans, sur la proposition de Myriam et de l’équipe, de leur faire un bilan chaque année, montrant le travail effectué, l’impact auprès des enfants et des familles. Auquel s’ajouta rapidement l’impact sur le développement des personnes qui y travaillaient. Il fallut aussi affronter les syndicats parisiens, qui organisèrent des grèves dans les crèches de Paris pour empêcher l’ouverture de ce qu’ils considéraient comme “des crèches au rabais”. Les critiques étaient multiples, venant aussi de professionnels reconnus. Ce fut un véritable combat de plusieurs années. Myriam accepta même que Simone Veil, alors Ministre de la Santé, vienne visiter le Centre, elles ne s’étaient pas revues depuis les camps….
Ce fut dynamique pour l’ensemble du Centre où se vivait tout un bouillonnement dont nous avions peu conscience. Myriam eut l’idée de réunions le soir où, pour attirer les parents, nous projetions des petits films venant… d’une pouponnière à Budapest : nous faisions ensemble la découverte absolument “sidérante” qu’il pouvait exister des enfants en collectivité dont le calme, le sentiment de sécurité et les réalisations, motrices en particulier, étaient radicalement différentes de ce que nous voyions chez “nos” enfants, même dans leurs “bonnes” familles. Les rapports furent convaincants, la crèche Familiale finit par ouvrir avec 5 ou 6 Assistantes maternelles.
L’expérience Massena continua et les prolongements en furent nombreux. Je citerai comme exemples :
– L’ouverture rapide de nouvelles crèches familiales respectant un certain nombre d’exigences.
– L’habitude d’observer les enfants, de le consigner par écrit et de le travailler en équipe, d’inclure les parents.
– L’organisation par le CTNERHI d’un groupe d’études présidé par M. David, sur la nécessité d’une formation pour les assistantes maternelles et quel devrait en être le contenu. Le rapport publié en 1981 fut un apport déterminant dans la législation sur la formation des Assistantes Maternelles et des personnels d’accueil des jeunes enfants.
– La rédaction, ensemble, du chapitre 30 Enfants confiés, accueil de jour, dans le manuel L’enfant et sa santé dirigé par M. Manciaux et S. Lebovici (qui, remanié, servira de base à l’organisation des crèches de la Ville de Genève).
– L’impact de ces premières images d’enfants, venues de Loczy : elles ont donné la représentation d’enfants vivant en collectivité, à l’aise et en sécurité, ce qui a marqué tous les professionnels y compris ceux qui exprimaient de fortes réticences.
– La conception d’éléments concrets pour une véritable organisation de la prévention psychique dans les PMI, de l’accueil des parents et de l’aide à leur apporter. Tout ceci n’aurait pu avoir lieu sans Myriam et sa personnalité si particulière.
On a toujours parlé de sa modestie, mais le souvenir de cette époque est qu’il émanait d’elle une force étonnante ; parlant peu et pas très fort, sa patience égalait sa détermination. Ce qu’elle nous a apporté dépasse largement le domaine professionnel et joue dans la durée. Depuis 30 ans, la qualité de l’accueil des jeunes enfants, la compréhension de ce qu’ils y vivent ainsi que leurs parents, leurs soignants, l’approche humaine de ces situations ont radicalement changé. Myriam David y est pour beaucoup.