Le temps est venu de reproblématiser la notion de cas limites. On a longtemps appelé ainsi, en le comparant à la névrose qui représentait organisation psychique et capacité de symbolisation, un état présentant à l’inverse des déficits dans ces mêmes domaines – sans que l’on ait affaire pourtant à la psychose. Cet état apparaît dans le monde d’aujourd’hui comme le fonctionnement adaptatif prévalent, une façon de survivre et de vivre qui recourt à des modalités variées et complexes de subjectivation. La névrose n’a pas disparu, mais on voit désormais qu’elle est faite, pour une large part, de cette panique libidinale contenue que l’état limite révèle, et même exhibe. Dès lors, les cas limites sont-ils encore des « cas », une structure spécifique ? Ne doit-on pas, plutôt, parler de troubles où se mêlent conflit pulsionnel intrapsychique œdipien et fonctionnements borderline manifestes, où l’intériorité psychique est méconnue parce qu’expulsée dans la réalité du dehors – ce que l’on peut nommer les pathologies en extériorité.
Ces systèmes mixtes, d’abord propres aux pathologies adolescentes, deviennent ceux de tout un chacun dans la société contemporaine avec son « actuel malaise dans la culture »1. La négativité envahit tout, le principe individualiste d’expression immédiate des pulsions et de réalisation de soi est attaqué d’un côté par la déliaison pulsionnelle et d’un autre côté par un renouveau du puritanisme. Les « vrais » cas limites, avec leur fragilité narcissique majeure, leur dépressivité chronique et le dysfonctionnement évident de leurs investissements objectaux en échec permanent – tels que Kernberg et Bergeret les comprennent – n’ont pas, eux non plus, disparu. Entre la névrose imaginative bien structurée et les cas limites indubitables (ça existe), les pathologies en extériorité – qui sont des pathologies de l’intériorité – ont été abordées…