L'urgence à penser l'avenir de la psychanalyse, tellement fragilisé aujourd’hui, serait-elle une opportunité pour considérer enfin la psychanalyse de l’enfant à sa juste valeur ? On a vu, au tournant du XXIe siècle, de nombreux analystes s’engager dans une démarche épistémologique interrogeant l’actualité et le destin de leur discipline. Bien que de différentes obédiences ou écoles, ils sont nombreux à questionner la théorie et la pratique analytiques confrontées à d’importantes évolutions sociétales, culturelles et scientifiques.
Les travaux de l’école anglaise, et plus spécifiquement de W.R. Bion, ont considérablement enrichi ces débats dont le lexique analytique porte aujourd’hui la trace avec les notions d’intersubjectivité ou de contenance, par exemple. Mais, ce mouvement d'ouverture n'est-il pas, en partie, le résultat de problématiques posées par la rencontre analytique avec l’enfant ? En 1909, le cas du « petit Hans », tout en induisant un véritable scepticisme à l’endroit du transfert précoce et de son interprétation au regard de l’analyse de l’adulte, se révélait comme le début d'une grande aventure. Dès 1918, M. Klein proposait un véritable travail analytique avec les plus jeunes et ses « principes psychologiques de l’analyse des jeunes enfants » invitaient déjà à l’interprétation des angoisses, des défenses et des transferts positifs et négatifs qui allaient faire le lit de fructueux débats théorico-cliniques. La vie phantasmatique ou l’Œdipe précoce ouvraient ainsi la voie de questions très contemporaines autour de l’originaire et de l’archaïque. Puis, avec Winnicott, les notions d’environnement et d’effondrement s'avéreront essentielles à la compréhension de la psychopathologie contemporaine. Et, tout bien considéré, l’ancrage des pratiques et des théorisations psychanalytiques n'est-il pas plus solide et fécond en pédopsychiatrie qu’en psychiatrie d'adultes ?
Dans un tel contexte, les rencontres avec le bébé, l’enfant, l’adolescent ne donnent-elles pas à l’adulte la force et l’intelligence de créer et de transformer ses réflexions et sa pratique ? Dans une société post-moderne qui, malgré les apparences, traite bien mal sa progéniture, le destin de la psychanalyse ne passe-t-il pas par l’exploration et l’investissement de l’inconscient infantile ? Arguons donc ici de la nécessité que la psychanalyse de l’enfant soit enfin considérée et investie à sa juste valeur, comme l’un des éléments fondamentaux de l’avenir de la psychanalyse.
Et qu’ensemble, enfin, nous puissions penser, à l'instar du célèbre chanteur : « les enfants d’abord ! »