Le père de la psychanalyse, aurait-il manqué de tact lorsqu’il reçut Maryse Choisy qui s’enfuit à la troisième séance sans jamais plus revenir ? C’est en effet à l’issue d’une interprétation pour le moins abrupte que lui livra maître Freud, à propos de son rêve raconté, qu’ébranlée, elle prit ses jambes à son cou ainsi qu’elle le rapporte dans le dernier chapitre de ses Mémoires s’achevant à l’année 1924.
« J’entendais Freud réfléchir derrière moi. Son interprétation tomba comme un couperet. — “ Ça s’est passé quand vous étiez au berceau. Votre mère a fui pour cacher son pedigree et sa honte. Vous êtes une enfant illégitime ”. »1
La révélation fut en effet brutale pour la jeune Maryse « victime de la psychanalyse sauvage », dira-t-elle. Bonne fille, elle considéra qu’elle avait été « surestimée » dans sa capacité à pouvoir entendre l’inacceptable, et elle ajoutait : « Il a fait précisément ce que plus tard il recommandera à tous ses disciples de ne pas faire : interpréter trop tôt, alors que l’analysé ne peut pas encore assumer ce qu’il est. »
La dynamite du transfert
Une « faute professionnelle par ignorance » dirait-on aujourd’hui, laquelle rappelle la tâche impossible que s’est imposée le premier analyste de l’histoire, celle de « deviner » les méandres de la psyché au cours de cette relation si singulière qu’est la thérapie analytique ou, pour le dire autrement, celle d’identifier la nature des composants obscurs qu’il agite en manipulant cette « dynamite du transfert », qu’il instaure et dont on n’est jamais parfaitement à l’abri. Il le redira d’ailleurs encore, en des termes semblables, au crépuscule de sa vie, riche des leçons tirées de ses échecs, dans son Abrégé de psychanalyse (1938),…