Il peut paraître paradoxal de parler de médiation lorsqu’on parle du sonore, car voilà bien une modalité sensorielle sans protection naturelle et sans limites. La problématique des limites, celle, notamment, des relations entre dedans et dehors sont, en effet, les plus insistantes dans l’expérience subjective du sonore.
Le son est intrusion. Ainsi en est-il des bruits, des cris, qui nous surprennent, nous font tressaillir, et plus encore, des bruits qui nous percutent jusqu’au trauma sonore comme les déflagrations, bruits de guerre, par exemple. Le son passe nos frontières physiques, perce le tympan, traverse la peau, les os, mais aussi les murs : les rapports de voisinages sont tapissés de ces recouvrements d’habitats sonores. Ces derniers tiennent peu compte, en effet, des mètres carrés dont nous sommes officiellement locataires ou propriétaires.
Le son est un envahisseur. Notre habitacle sonore investit les espaces communs, le couloir, la rue, comme aussi les voisins du dessus, les voisins de paliers… J’appelle « intervalle sonore du soi » cette distance où nous déployons notre écoute, où tout au moins notre audition : jusqu’où nous entendons et jusqu’où nous nous faisons entendre (plus ou moins consciemment ou volontairement). Les bébés « savent » jusqu’où ils peuvent se faire entendre par leurs cris. Ces derniers peuvent envahir l’immeuble, ou le wagon du train, par exemple. Les adolescents qui ne bénéficient encore que d’un espace réduit, une petite chambre, savent bien comment investir l’espace sonore, aidés en cela par les technologies : la chaîne à son maximum et la fenêtre ouverte assurent une diffusion à tout le quartier, par exemple… Car le son est l’organe du pouvoir.
Le son est débordement. Nos propres bruits corporels nous échappent, débordent notre limite corporelle, notre peau, nous…