Dans cet article nous suivrons le processus créateur d’un dispositif réflexif hybride entre simulation en santé et psychodrame, conçu pour les équipes à partir de l’analyse du vécu contre-transférentiel d’un clinicien immergé dans une coordination hospitalière de don d’organes.
INTRODUCTION
La clinique du don d’organes interroge d’emblée la question de la limite : limite entre le vif et le mort, le dedans et le dehors, limite enfin entre le corps de relation caressé, libidinalisé et le corps bio-anatomique issue de la conception médicale moderne.
D. Lebreton (1993) évoque à propos de l’activité de prélèvement et de transplantation d’organes un risque de « perte de la dimension symbolique du corps », les organes étant assimilés à des pièces de rechange, dépossédées de leur humanité : « le fait de prélever un organe sur un cadavre pour l’implanter dans la chair d’un autre homme est une rupture anthropologique. »
Cette pratique ordinaire d’allure transgressive ne conduit-elle pas des soignants à extraire volontairement des éléments du corps d’un semblable défunt pour remettre en fonctionnement le corps d’un autre que la loi (anonymat) ne les autorise même pas à voir guérir ?
Cette transgression permise par le contexte légal offre-t-elle suffisamment de légitimité et de contenance aux soignants pour qu’ils se clivent efficacement de l’ensauvagement contenu dans cet acte de barbarie socialement toléré ?
Enfin, à quel endroit de leur pratique quotidienne peuvent-ils se ressourcer suffisamment pour rester au contact de leur propre humanité ?
Sur la base de l’analyse de mes vécus contre-transférentiels depuis mes fonctions cliniques sur le premier poste…