Le Musée de l’Homme
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Le Musée de l’Homme

Réouvert en octobre 2015 après six ans de fermeture pour travaux, le nouveau Musée de l’Homme, magnifiquement rénové, expose ses collections avec une muséographie résolument contemporaine. Manifestement, la scénographie s’adresse aux enfants, qui s’en donnent à coeur joie, à parcourir de vastes espaces très beaux et lumineux, à cliquer, ouvrir des écrans, regarder des vidéos, rentrer dans un bus sénégalais ou une yourte mongole. On se dit que face à cette profusion d’objets et d’informations, les enfants ont besoin d’encadrement et d’explications. Mais ils s’y retrouvent très bien tout seuls, avec tous ces objets qui leur offrent une formidable possibilité d’exercer leur esprit scientifique spontané. Ainsi, devant un « mannequin pédagogique d’accouchement » du XVIIIe siècle, un garçon d’une douzaine d’années expliquait – à sa manière – à son petit frère comment se passe une naissance.

Et l’adulte ? Le visiteur passe devant une succession de grandes vitrines, remplies d’objets qui se présentent en série, organisées selon des thèmes. Il s’agit – ni plus, ni moins – de définir la nature humaine, dans toutes ses dimensions, biologique, sociale et culturelle.

De répondre aux trois grandes questions déployées tout au long de l’exposition. « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? » Questions universelles. Elles pourraient être transcrites pour quelqu’un qui entre en analyse. « Qui suis-je ? D’où je viens ? Où je vais ? » La psychanalyse y rajouterait « Et comment je fonctionne ? » L’autre question des conservateurs : « Sommes-nous des êtres de chair, de pensée, de liens, de parole ? » pourrait être celle de la psychanalyse. On voit ici combien nous avons en commun avec les ethnologues d’explorer les liens entre biologie et environnement, corps et culture, cerveau et pensée, identité sexuelle et genre.

Le musée a hérité des premières collections historiques exceptionnelles constituées dès le XVIe siècle du musée d'ethnographie du Trocadéro, fondé en 1882, qui est ensuite devenu le musée de l'Homme créé par Paul Rivet à l'occasion de l'exposition universelle de 1937. Cette structure novatrice avait déjà pour ambition de regrouper dans le même lieu l'ensemble des collections consacrées à l'espèce humaine. Elle attire l’élite intellectuelle, les surréalistes et… Joséphine Baker. Puis Jacques Chirac décide de créer le Musée des arts premiers du Quai Branly, privant le Musée de l'Homme de 300 000 pièces de collection, réunies par de prestigieux ethnologues, comme Claude Lévi-Strauss, Marcel Griaule ou Paul-Emile Victor. Est-ce ce traumatisme qui donne une impression qu’il manque quelque chose ? A la fois trop d’objets et pas assez.

Il y a un parti-pris d’accumulation, comme si pour témoigner de la multiplicité – thème central du musée – il fallait montrer une multitude d’objets. La diversité des objets rend compte de la diversité des cultures. Si chaque objet fait partie d’un tout, comme le dit le catalogue, encore faut-il comprendre ce tout.

La question est de savoir si les objets parlent. Dans les salles, les explications ne manquent pas, évidemment, mais il faudrait beaucoup de temps pour lire tous les cartels. Est-ce que de mettre ensemble tant d’objets, si hétérogènes, ne leur nuit pas ? Il y en a d’admirables pourtant, mais un peu noyés dans la masse. Il est difficile pour le spectateur de sortir un objet de ce contexte pour en apprécier la valeur artistique.

Il y a des passages néanmoins entre les objets usuels ou rituels et les créations artistiques. Une momie péruvienne aurait inspiré le fameux tableau Le cri de Munch. C’est peut-être la spécificité de ce musée. Non pas d’exposer des œuvres artistiques, mais de montrer cette collection unique au monde d’objets de tous les temps et tous les pays, témoignant de la tension entre l’universel de l’humain et la diversité culturelle. Musée de l’Homme qui est surtout un musée des hommes, semblables et différents.

Simone Korff-Sausse
Psychanalyste, SPP