La souffrance psychique, une affaire maltraitée car trop vite réglée ?
Oui, un médecin généraliste non formé à la vie psychique et aux faits psychopathologiques, qui fait passer des échelles d’anxiété à son patient auquel il n’a en moyenne que 15 min à consacrer, c’est absurde…
Oui, envisager qu’au bout de 8 séances de psychothérapie on puisse transformer et soulager la souffrance psychique d’un sujet, c’est absurde…
Oui, prescrire trente minutes par consultation pour aborder des traumas complexes est aberrant…
Oui, envisager que des psychologues déjà paupérisés dans le service public, se portent volontaires pour devenir complices de soins précaires, c’est absurde…
Oui, le tout c’est réifier la relation soignante…
Si nous accordons un crédit d’intelligence à ceux qui ont élaboré ce texte absurde, comment considérer dans le même temps qu’ils puissent être si méprisants ? A moins qu’ils ne soient totalement impuissants et consentent à être les collaborateurs d’une société qui demande à ses affidés d’être des agents de la régulation sociale et de l’adaptation.
Est-ce parce que nous sommes 90% de femmes dans ce métier d’accueil que nous devrions souscrire sans mot dire à des rédacteurs qui nous contraignent au dévoiement de la psychothérapie comme outil de liberté et de créativité.
La bifocalité bien pensée, entre psychologues et médecin, avait réglé la guerre de tranchées de deux espaces qui (se) savent aujourd’hui devoir œuvrer de concert plutôt que de se vassaliser.
L’engloutissement « para-médical » de la psychologie clinique et l’exercice « prestataire de service » de la psychothérapie, tel qu’il est organisé, constituera une régression de notre discipline dans sa singularité et dans la fécondité de son autonomie tant sur le plan épistémologique que clinique.
Après les attentats et la Covid 19 qui, sur fond de crise financière et sociale, ont ébranlé la société, il a été demandé à chaque fois aux psychologues d’intervenir dans l’urgence. Non pas, comme on aurait pu le souhaiter, dans une démarche d’accueil et d’écoute de la douleur, mais bien à visée de colmatage. Les concepteurs de ce texte n’ont qu’une idée, la gestion empressée du chaos social actuel. Une gestion de masse qui fait fi de la souffrance et de la parole individuelle au service de la maîtrise d’un débordement.
Nous sommes et voulons être encore des soignants à l’écoute d’une parole vivante.
Cette mesure, issue d’une concertation inexistante, n’est qu’une énième gestion de crise, qui fonctionne au coup par coup. La mise à mal constante de l’hôpital public comme de la psychiatrie de secteur soumis à de rudes tensions, ne saurait être masquée par des solutions « intérimaires » qui ne sont pas des réponses.
Article cosigné avec le Collège des psychologues de l’Institut Mutualiste Montsouris