« Je ne grossis pas parce que je mange avec la tête et pas avec le ventre »
Il y a quelque chose dans les Troubles des Conduites Alimentaires de trop excessif pour ne pas éveiller des soupçons et ne pas susciter l’envie d’extorquer des aveux. Quel est ce feu intérieur pâle et triste qui les dévore sans leur donner de fièvre ? Cette passion de l’ascèse jusqu’au fanatisme ne cache-t-elle pas une auto-fascination jusqu’à une perversion narcissique : érotisation du trouble permettant sa cicatrisation... « le vice est l’érotisation du chagrin » disait Proust. Et cette fièvre-là est sans chaleur.
Georges Bataille rapportait qu’il voyait dans l’excès, l’émergence de cette « part maudite » en nous, que nous tentons tant bien que mal de contenir. Part maudite qui n’est pas sans lien avec l’inconscient, et donc le pulsionnel, l’excitation issue du corps cherchant à devenir fait psychique via l’affect, et l’infantile. « Part maudite » qui se fraie un chemin « à rebours » dans les moments d’hallucinantes métamorphoses, comme peut l’être celui de l’adolescence où la jeune fille « prête l’oreille à son propre corps où un avenir étranger commence à bouger1 ». Des soupçons : (pour le mieux) de complaisance dans la maladie, (pour le pire) d’enfermement dans une illusoire liberté. Cette drôle de « folie » ne manque en effet pas de méthode, qui laisse croire au sujet qu’il maîtrise la situation, jusqu’au jour où le Réel, ici le biologique de la dénutrition jusqu’à la cachexie, rattrapera la pauvre psychologie ignorant tout de sa souffrance … et il n’y aura plus de freins tandis que la direction restera bloquée vers la descente. La machine alors s’affolera d’autant que l’appétit viendra vraiment à manquer et que la terreur de l’impuissance gagnera.