Écrire un livre sur l’anorexie, c’est se pencher sur un thème qui a déjà attiré de nombreux auteurs, sans que le sujet ait été épuisé tant cette aventure tragique de l’expérience humaine reste énigmatique. Vladimir Marinov s’appuie principalement, dans L’Anorexie, une étrange violence[1], sur l’expérience clinique acquise à la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale de l’hôpital Sainte-Anne. Ce n’est donc pas une réflexion abstraite, mais bien le compte-rendu d’un travail de très nombreuses années. C’est aussi un foisonnement d’hypothèses qui ouvrent autant d’occasions de travail de pensée.
L’anorexie est un sujet qui fascine : un étrange jeu avec la mort. C’est aussi un sujet qui présente une inquiétante actualité avec ce qu’on peut appeler, quel que soit le caractère mystérieux du phénomène, une dimension épidémique — en tout cas un genre de trouble qui connaît une formidable extension — au point qu’il a aujourd’hui acquis un nouveau nom avec le sigle des TCA (Troubles du comportement alimentaire). On rencontre ainsi avec l’anorexie une question redoutablement complexe qui concerne le champ épidémiologique : comment des signifiants particuliers se mettent-ils à circuler socialement et comment les corps s’en emparent-ils ? Et en même temps — ce n’est jamais que la même question retournée —, comment comprendre l’articulation entre la pulsion manifestée du sujet et l’offre sociale du symptôme ? Voilà des questions auxquelles ce livre tente aussi d’apporter des éléments de réponse.
Dès l’introduction, l’essentiel de la thèse est dit : l’anorexie, c’est « tuer la vie dans l’œuf, tuer la vie avant qu’elle ne prenne forme, tuer l’informe ». La proposition centrale du livre, l’anorexie comme violence, est alors déclinée dans toute une série de vignettes cliniques, la mort étant constamment présente, dans des tableaux variés, mais tous marqué…
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