Ce colloque témoigne de la place qu’occupe aujourd’hui Winnicott et son œuvre dans la psychanalyse en France. Mais que les écrits de Winnicott soient devenus une lecture très partagée ne signifie évidemment pas que nous partagions tous le même Winnicott. Ce que font nos lectures, nos interprétations d’une œuvre, compte autant que cette œuvre elle-même. À l’origine de mon intervention d’aujourd’hui, un peu comme un prétexte, se trouve un bref échange avec une collègue se définissant elle-même comme « psychothérapeute winnicottienne ». Elle entendait par là, pas simplement un choix théorique, mais une façon de spécifier sa façon de travailler. Qu’elle dise « psychothérapeute » et non psychanalyste était bien sûr une première indication. La suite fut sans surprise : l’accent mis sur le holding du patient, une attitude contenante, accompagnante, bref une identification à la good enough mother, élevée au rang de paradigme technique.
Que le patient identifie son psy (thérapeute ou analyste) à la mère assez bonne, c’est son affaire, l’affaire du transfert, mais que le psy décide d’incarner activement cette figure, de répondre à ce qu’il imagine être l’attente du patient, c’est évidemment autre chose. Il serait cependant inexact, ici, de limiter cette attitude psychothérapique à la « descendance » de Winnicott. Le premier à la revendiquer est Ferenczi : « La méthode que j’emploie avec mes analysants consiste à les « gâter ». Sacrifiant toute considération quant à son propre confort, on cède autant que possible aux désirs et impulsions affectives. On prolonge la séance le temps nécessaire pour pouvoir aplanir les émotions suscitées par le matériel ; on ne lâche pas le patient avant d’avoir résolu, dans le sens d’une conciliation, les conflits inévitables dans la situation analytique, en clarifiant les malentendus, et en remontant au…