Vigoureuse, fertile, souvent ouverte à l’exploration et aux nouvelles formulations, la pensée de Freud s’est avérée in fine rebelle aux orthodoxies, résistant à la fois à sa fossilisation et à son délitement. Ainsi, plus d’un siècle de découvertes scientifiques, de changements sociaux, culturels, politiques ou environnementaux, n’a pas réussi à en finir avec la pensée psychanalytique — même si la « mort de la psychanalyse » (par obsolescence ou déliquescence) n’a jamais cessé d’être impatiemment annoncée chaque décennie.
C’est que ce qui tient bon comme un roc dans tout cela n’est pas tant une vision unifiée et définitive du fonctionnement psychique — forcément destinée à se lézarder avec le temps —, mais bien une méthode d’exploration de ce fonctionnement, à savoir une « technique » qui charpente et organise « la psychanalyse » et chaque séance d’analyse, dans le double but de connaître la psyché et de soigner ses troubles. En définitive, la technique est ce qui fait grandir la psychanalyse. Évoluant de manière dialectique avec l’expérience clinique quotidienne des analystes, elle ne cesse alors d’irriguer la pratique des différents dispositifs de soin ; c’est par là qu’elle se perpétue, dans l’échange constant avec le travail des médecins, des psychiatres, des éducateurs, des professeurs, des infirmiers, des psychologues, des assistants sociaux, des aides-soignants, des sages-femmes, des auxiliaires de puériculture… Une technique dont le fondement même est de se tenir au plus près de ce qui se passe de singulier dans le cabinet d’analyse, et de pouvoir ensuite en rendre compte dans le registre conceptuel qui est le sien. C’est de là, de cette rencontre intime de deux êtres dans une petite chambre — de ce découpage du monde, fort dangereux¹,mais tempéré par la technique — que la recherche psychanalytique (notre « psychanalyse dure », comme on dirait des sciences dures) rayonne, s’assouplit,…