Né le 22 février 1903 à Nagyvàrod en Transylvanie alors hongroise, Béla Grunberger devint Roumain après la guerre de 1914, lors de la chute de l’Empire austro-hongrois. Nagyvàrad prit alors le nom de Oradea. En 1940, la ville redevint hongroise, puis à nouveau roumaine en 1945. En 1918, Béla Kun prit le pouvoir en Hongrie. Grunberger alors âgé de 15 ans assista, entre autres, à la chasse de ceux qui n’avaient pas les mains calleuses. Les possesseurs de mains lisses étaient noyés dans le Danube. Un concierge dont le passe-temps favori était de tuer les chats à coups de pierres fut nommé Commissaire du Peuple à la Culture. Cet épisode de terreur vaccina pour toujours le jeune Grunberger contre l’idéologie communiste. Ce régime fut suivi par la prise de pouvoir de l’Amiral Horthy, instaurant une dictature contre-révolutionnaire, “la terreur blanche” qui s’allia par la suite au fascisme et au nazisme, ce qui valut à la Hongrie de recouvrer la Transylvanie et aussi de la perdre. La Hongrie comme la Transylvanie étant anti-sémites, le jeune Grunberger décida de faire ses études universitaires en Allemagne. On était en 1920 mais la crise économique allemande de 1923 et l’anti-sémitisme croissant le poussèrent à quitter l’Allemagne pour la Suisse en 1927. Le 1er septembre 1939, date de l’invasion de la Pologne, il quitta la Suisse pour s’engager dans l’armée française qui n’en voulut point (était-ce un espion ?). Il fut enfermé au camp d’Oloron dans les Basses Pyrénées, s’en échappa et commença sa médecine à Grenoble et la poursuivit à Lyon où il habitait sous un toit et s’éclairait à la bougie. Il aidait la Résistance en transportant des armes et ne pouvait passer ses examens en tant que juif. Il se présenta aux épreuves après la guerre et les réussit. Ses parents étaient morts à Auschwitz. C’est avec un optimisme certain qu’il émit l’hypothèse (1962) selon laquelle la réunion d’Israël avec sa Terre-Mère mettrait fin à l’anti-sémitisme. Il disait, avec un sourire désabusé, que la moindre des choses qui pouvait arriver à un juif européen de cette époque était d’avoir à reconstituer quatre fois sa bibliothèque !