Le statut scientifique de la psychanalyse
Marie-Frédérique Bacqué : La psychanalyse est-elle une science ? La recherche en psychanalyse est-elle scientifique ?
Daniel Widlöcher : Il faut rappeler que la psychanalyse, avant d’être une science est une pratique : une pratique de communication et une pratique de soins. Elle est une pratique de communication par cette forme d’écoute de l’autre qui s’appuie sur un protocole d’entretien. Le cadre, dans lequel a lieu l’écoute de l’autre, donne matière à une activité qu’on a longtemps considérée comme une activité d’observation, et que je considère comme une activité de co-pensée, c’est-à-dire comme une activité où celui qui écoute et celui qui parle, associent l’un avec l’autre, l’un par l’autre, l’un grâce à l’autre, pour aboutir à ce que chacun découvre plus et mieux ce qu’il y a en lui : les pensées inconscientes. L’analyste, dans la mesure où il écoute et où il essaie de comprendre l’autre, est lui-même aussi conscient de son propre travail psychique. Par conséquent, c’est une double réflexion, une double méta-connaissance en quelque sorte, d’une pratique commune d’écoute.
C’est une pratique “sociale” pourrait-on dire -si ce mot n’était pas très irritant pour beaucoup de psychanalystes- parce que c’est une méthode qui repose sur le rapport d’un individu à un autre. Il y a une dimension d’altérité fondamentale dans cette communication. Cette pratique a conduit à un développement des connaissances liées à des pratiques individuelles, donc à des généralisations plus ou moins inductives : ces généralisations inductives peuvent-elles donner lieu à des explications causales ? Cela se discute. Que cela donne une explication causale à un niveau très élémentaire, à savoir que tel individu est contrarié par ce qu’il lui est arrivé ceci ou cela et dont…