I – Introduction et préalables
Les psychiatres et les psychologues n’ont pas seuls la légitimité et la capacité de « faire » la santé mentale, surtout si cette dernière ne se résume pas à une reprise euphémisée de la psychiatrie, et si elle doit être revue et corrigée à l’aune de la précarité. Notre position, à l’Orspere-Onsmp, consiste essentiellement à travailler avec ceux qui travaillent en première et en seconde ligne de la dite santé mentale, au sens large de ce terme, et qui sont aussi des praticiens non soignants prenant soin de leurs concitoyens au sein de leur professionnalité : travailleurs sociaux, bailleurs et d’autres, sans compter l’implication des élus.
A l’inverse, on ne comprendrait pas la défausse des cliniciens psy s’ils renâclaient à amener une contribution consistante aux pratiques de ce champ, en vertu de leurs pratiques, de leurs compétences, et de la manière dont ils intègrent la complexité en ce domaine.
Cette contribution étudie les effets cliniques de la souffrance psychique d’origine sociale. Pourquoi « effets cliniques » ? Parce qu’un contexte global, celui de la précarité, a des effets psychiques, à différencier d’une psychologisation ou d’une psychiatrisation du monde.
Pourquoi « souffrance » ? Parce qu’il s’agit d’un mot de sens commun qui n’a pas besoin d’être défini et qui ne se déduit pas d’une localisation anatomique ; il s’agit d’une douleur d’existence, d’une souffrance qui peut certes accompagner une douleur organique, mais aussi l’humiliation, le mépris social, ou pire l’indifférence. On n’est plus dans l’utopie de 1946 (où la définition de l’OMS parlait de la santé comme d’un bien-être « complet », bio-psycho-sociale), mais dans une guerre économique mondiale. Tout centrer sur le « bien-être » devient quasi indécent, et en tous…