On a longtemps pensé que les enfants autistes l’étaient de par leur mère et le fonctionnement psychique de celle-ci. On sait les souffrances que cette position – désormais intenable – a pu susciter. Les plus résistants d’entre nous seraient certainement mis à mal par le fait de vivre au quotidien avec un enfant autiste. Personne ne surait donc méconnaître le chagrin des parents et personne, en dehors des juges, n’a le droit de condamner l’acte tragique et désespéré d’une mère meurtrière de son enfant autiste, tel que l’actualité vient de nous le donner à voir.
Le chagrin est immense et il n’y a sans doute pas de peine juste : tout peut être défendu, de la plus grande sévérité jusqu’à l’acquittement. L’humanité d’un juge ou d’un procureur ne peut que nous toucher. Mais les choses se compliquent davantage encore si l’on laisse entendre qu’un tel geste meurtrier est la conséquence logique de l’insuffisance des moyens de prise en charge médico-sociale dont bénéficient les enfants autistes dans notre pays. Certes, beaucoup de moyens nous manquent. Nous ne cessons de les réclamer et pas seulement sur le plan socio-éducatif, mais aussi sur le plan des soins proprement dits (individuels et institutionnels).
Quoi qu’il en soit, une telle insinuation, non seulement méconnaît gravement le problème humain dramatique qui sous-tend le meurtre d’un enfant autiste par sa mère, mais, de plus, elle constitue une insulte à l’égard de toutes les personnes et de toutes les équipes qui se dévouent sans compter, jusqu’à la limite extrême de leurs possibilités, pour tenter d’amener à une vie psychique véritable un certain nombre d’enfants autistes. Personne n’a à gagner quoi que ce soit à laisser se développer une telle insinuation. Ni le chagrin, ni la peine ne peuvent se mesurer : l’un est sans fond, l’autre n’est pas codifiable.
Mais point n’est besoin d’y ajouter la haine et l’irrespect envers tous ceux qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils sont (W.R. Bion) pour aider un tant soit peu les enfants autistes et leurs familles.