Psychiatres au sein d’une structure pédopsychiatrique pluridisciplinaire née des effets de la « crise », nous sommes souvent interrogées sur l’augmentation des conduites suicidaires chez l’adolescent dans le contexte de la COVID-19.
En préparant cet article, il nous est apparu que de la COVID, il est peu question lorsque nous rencontrons les adolescents et leur famille. Bien sûr, les visages se masquent et se démasquent par vagues, une toux suspecte incite à la vigilance, certains entretiens se font en « téléconsultation » — nouveau codage à l’activité — au rythme des PCR positives. Mais quand la COVID s’invite dans les récits des jeunes, c’est le plus souvent en repère chronologique : « c’était pendant le premier confinement », « juste après le deuxième confinement »… et une fois nommée, elle est bien vite mise de côté, pour laisser alors se déployer des souffrances intimes, complexes. Ce sont les conflits intrafamiliaux, les ruptures amoureuses, amicales, le harcèlement, les parcours de vie traumatiques, les abandons répétés, l’estime de soi effondrée, la pression scolaire, l’angoisse de l’avenir…
Comment interpréter alors cette absence de la pandémie dans le discours de nos patients, alors même que nos regards d’adultes y verraient l’hypothèse privilégiée de cette explosion des conduites suicidaires chez les jeunes ? Sommes-nous réellement en mesure de tenir un discours expert, nous-mêmes aux prises avec la pandémie, aux effets toujours actuels sur nos vies ?
Ce constat fait, il nous faut donc aborder le sujet avec humilité, mais aussi réflexivité. Née de la « crise de la pédopsychiatrie » — factuellement antérieure au traitement médiatique actuel — ATRAP (Accueil Temporaire Rapide pour Adolescents Parisiens) s’est co-construite avec ses patients, alimentant ces questionnements : quelles hypothèses à l’augmentation des conduites suicidaires chez nos adolescents notre fonctionnement peut-il aider à mettre…