Ma première rencontre avec Michel remonte aux années 60 à Saint-Vincent-de-Paul. Chaque Jeudi tous les médecins de cet hôpital d’enfants se devaient d’assister au « Salut », office quasi religieux au cours duquel étaient présentées des observations de patients, dignes par leur complexité d’offrir une démonstration du savoir et du pouvoir pédiatrique. Ce jour-là était annoncé comme présentateur un jeune interne, Michel Soulé, avec un titre assez intrigant, « Jacques et l’autobus ». L’orateur se fait d’emblée remarquer par une volumineuse serviette dont il sort précautionneusement trois volumes grand format, cependant qu’il annonce laconiquement « Toute l’origine des troubles du petit Jacques est éclairée dans ces traités fondamentaux », découvrant alors trois albums de Tintin. Suit une démonstration étourdissante par son entremêlement de signes psychopathologiques et de renvois à Tintin. Etonnement croissant de la noble assemblée ; les premiers rangs (les Professeurs) un peu pincés, les hauteurs de l’amphi subjuguées par la jonglerie de l’orateur se référant continuellement à des extraits des albums. Final : tonnerre d’applaudissements
déferlant du haut de l’amphi pour gagner les premiers rangs. C’était pour moi une double découverte : celle d’un grand acteur, mais aussi celle d’un grand et nouveau domaine, celui de la psychopathologie de l’enfant.
Vingt ans plus tard, m’engageant dans les procréations artificielles avec la création des CECOS (Centres d’Etude et de Conservation des Oeufs et du Sperme), nouvelles sources potentielles de pathologie de la filiation, il me parut évident que j’avais besoin de lui. Ce fut le point de départ d’une coopération puis d’une amitié toujours plus profonde et surtout de plus en plus admirative de son agilité intellectuelle et de sa surprenante originalité.