Le COPES est un théâtre qui a perdu son créateur, son auteur, son acteur, quasiment mort sur scène, comme Molière qu’il aimait tant. Le Professeur Michel Soulé ne figurait-il pas sur les affiches 2012 ?
Les nombreux abonnés sont tristes, leur héraut n’est plus et les futurs participants sont privés de leurs espoirs de rencontrer à leur tour, l’un des héros de l’œuvre de la pédopsychiatrie.
Oui, participants, dans le scénario original de la formation permanente qu’il a inventée et que sa troupe fait perdurer : comme dans certaines pièces contemporaines, le parterre donne de la voix, témoigne et enrichit le livret.
Côté cour, ce fut un inlassable inventeur et saltimbanque qui recherchait jusqu’au fin fond des provinces, des familles et des individus de tous âges, l’inspiration et le souffle de ses innombrables inventions. Il fréquenta aussi les Cours régnantes, sans exclusive et il sut parfois obtenir leur appui, toujours dans un lien convivial et respectueux de part et d’autre.
Il voulait toujours de la recherche, de la recherche et encore de la recherche, dans le champ de la formation, comme dans celui de la clinique dont il nourrissait toute sa réflexion.
Côté jardin, il nous enchanta par son humour, son appétit de vie et sa capacité à se projeter, lui et ses œuvres, dans le futur : toutes les « machines » de scène, à l’instar du théâtre baroque, devaient emplir les malles de la troupe au fil de leur apparition : informatique, fax, internet, communication…
Et pour y mettre son grain de sel plus rigolo, il nous initia aux fêtes, à la jouissance de la dérision, le plus souvent auto dérision, et jamais ironie.
Fantastiques et multiples fêtes, toujours partagées et communautaires, où chaque équipe tirait son épingle du jeu avec brio parce que lui même jouait le jeu.
Sa première pièce, programmée au COPES en 1970, continue à tenir l’affiche 42 ans après, comme d’autres grands classiques.
Les acteurs du Cours du COPES, « Les enfants privés de milieu familial normal » changent progressivement. Ceux qui ont acquis depuis de nombreux « Molière » restent toujours fidèles et de nouveaux héritiers concourent à l’affiche en s’engageant intensément dans leur art de la transmission. Certes les actes, les scènes et les acteurs et même le titre de la pièce « Les enfants et les familles à problèmes multiples » ont évolué, mais l’œuvre continue à grandir.
Il introduisit rapidement de nouvelles modalités de formation à l’instigation de ses muses qu’il écoutait (stages, cycles, interventions sur site) sur des thèmes essentiels et non abordés ailleurs, parfois même en avance au risque de faire quelques « flops ».
Metteur en scène et chef d’orchestre (de l’opéra baroque bien sûr), Michel Soulé visait chaque mot de contenu des programmes, puis a progressivement délégué cette mission à ses élèves devenus responsables dont il s’est entouré : promoteurs, producteurs, régisseurs, costumières, musiciens, décorateurs, script, photographes dessinateurs, effets spéciaux et même… souffleurs !
Lorsque, dans les coulisses, il m’arrivait de lui faire part de mon désaccord avec un air très convaincu, il me chinait : « Alors Anne ! On fait son Antigone ? » . Réplique intime, brève et dense, issue d’un théâtre antique et pimentée de gouaille, elle vaut à elle seule pour le tout, Tout au long.
Un souffle est passé, mais l’air vif que nous avons respiré avec vous nous guide, encore et toujours, sur les planches de l’avenir. Merci.