Cette injonction particulièrement stimulante, qui ne l’a entendue depuis quelques temps ? Qu’elle intervienne en réponse aux demandes les mieux fondées ou non. Nous savons bien que le rêve n’a pas vocation à se réaliser à tous coups – ce que chacun apprend en grandissant. Mais l’expérience nous apprend aussi qu’il n’est pas condamné à échouer de façon répétitive sur une côte hostile.
« S’il te plait, dessine-moi un mouton ! », insiste le Petit Prince de Saint Exupéry, toujours insatisfait par les figurations des animaux produits par l’aviateur en réponse à ses demandes. Jusqu’à ce que ce dernier, faute de patience, lui propose un nouveau dessin : « Ça, c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans ». Sa surprise est grande de voir s’illuminer le visage du jeune garçon : « C’est tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu’il faille beaucoup d’herbe à ce mouton ? ». Cela suffira-t-il longtemps encore d’avoir des boîtes vides, sans mouton à l’intérieur ? Combien de temps encore les moutons n’apparaîtront qu’à la nuit tombée pour faciliter l’endormissement de certains ? À moins que le « tigre » de Seine et Marne ne les ait dévorés ?
L’intérêt suscité par Rosetta dont le module Philae s’est trouvé récemment seul, largué inconfortablement sur une comète, comme la planète du Petit Prince, témoigne du fort besoin de rêver, et pas seulement à Noël chez les enfants. Comment continuer à faire rêver -les nouvelles générations en particulier-, pour quels objectifs audacieux, pour quels projets stimulants, pour quels défis ? Voici un enjeu considérable pour les années à venir.
A défaut, d’autres risquent fort de continuer à s’en charger, au service de desseins radicaux, destructeurs de ce qui fonde l’humain.
Patrice Huerre
Psychiatre, psychanalyste,
Coordinateur national de la pédopsychiatrie
du groupe CLINEA,
Président de l’Institut du virtuel