J’ai eu la chance d’exercer pendant de longues années dans un centre de psychiatrie infanto-juvénile qui avait la double caractéristique remarquable d’avoir été le premier « secteur » de psychiatrie infanto-juvénile (expérience pilote dont avait découlé la sectorisation nationale) et d’être dirigé par d’éminents psychanalystes. Il s’agit bien sûr du « 13ème », le 13ème arrondissement de Paris confié, pour les adultes comme pour les enfants, à l’ASM13, à la fin des années 1950. Pour les enfants, le centre de gravité du dispositif était le centre Alfred Binet (on parle aujourd’hui de CMP), fondé et dirigé à l’origine par Serge Lebovici et René Diatkine. Plus de 60 ans plus tard, c’est toujours une psychiatre psychanalyste qui est aux commandes du centre. La psychanalyse n’est pas seulement un appareil conceptuel, un dispositif théorique, elle n’existe que dans un cadre qui autorise la mise en place de sa méthode organisant une pratique. Un bébé seul ça n’existe pas, disait Winnicott, un psychanalyste sans patients en analyse, non plus ; il en a longtemps découlé que les psychiatres du centre partageaient leur temps entre leur cabinet et leur travail de service public. Une autre caractéristique historique orientant l’activité du centre était que ces psychanalystes recevaient également sur leur divan des patients adultes.
En 1972, René Diatkine et Janine Simon font paraître un livre qui a fait date : La psychanalyse précoce où est exposée la cure psychanalytique de la petite Carine, âgée de quatre ans. Janine Simon reçoit l’enfant et sa famille à son cabinet ; le livre est élaboré à partir du travail d’un séminaire du centre Alfred Binet.
Comme bien d’autres avant moi, je suis rentré par la petite porte : mon expérience psychiatrique reposait sur mon internat finissant et quelques…