Antoine Ravon : Jean-Yves Tamet, de 2006 à 2014 vous avez été psychiatre au Centre de Référence Maladie Rare sur le Développement Génital à Lyon, où vous avez rencontré et travaillé avec des sujets présentant des anomalies du développement génital (ADG). Vous avez aussi suivi la manière dont ils sont pris en charge par l’équipe médicale 1. Mais c’est une clinique qui est arrivée assez tardivement dans votre trajectoire professionnelle, puisque vous avez d’abord travaillé avec des enfants. Pouvez-vous, pour mieux situer le propos qui va suivre, présenter cette trajectoire, et nous expliquer ce que vous aviez appris de cette première pratique ?
Jean-Yves Tamet : Une première étape professionnelle m’a placé au contact d’enfants reçus pour des symptômes divers dont le spectre allait de difficultés dans les apprentissages à divers comportements marginaux ou souffrants évoluant dans des vies familiales souvent perturbées par des évènements de vie ; dans tous les cas, les troubles ne pouvaient être appréhendés isolément, comme si on ne pouvait détacher l’enfant du contexte de ceux avec qui il partage sa vie, en premier lieu les parents et la famille, en tenant compte de leur absence voire de leur disparition. Ainsi le travail psychothérapique consistait-il à permettre que des nœuds, silence ou tension, puissent d’abord s’exprimer puis évoluer vers un gain de liberté de parole pour les adultes comme pour les enfants. Il s’agit par l’écoute de favoriser l’expression des conflits de l’âme enfantine, approche dont, avec des collègues, nous avons rendu compte dans un ouvrage 2. Cette expérience conduite avec tenacité et passion a permis de saisir les nombreux messages dont la psyché enfantine est porteuse à son insu comme si les symptômes de l’enfant faisaient apparaître un texte en attente d’être déchiffré. En somme, chaque enfant est pris dans un destin…