Lors d’une conférence à Sainte-Anne (Paris), le sociologue J.-Y. Barreyre nous montrait comment s’était jouée l’évolution de la demande sociale en matière de soins psychiatriques. Pour ce faire, il se référait à la figure de la terreur et de son apaisement, moyen d’avancer son hypothèse selon laquelle s’était faite jour désormais une nouvelle forme de demande, très indirecte, le sujet ne demandant en quelque sorte rien mais projetant sa fureur dans l’autre alors lieu de l’explosion et de la décompensation au niveau du groupe. Une sorte de non-demande, au fond, mais projetée dans le craquage de l’autre. Comme la maturation et la croissance psychiques de l’individu, la demande se joue en réalité à l’interface de la part personnelle du sujet et de sa rencontre avec l’autre, soit ici le socius. « Le monde est corps et groupe » a dit René Kaës.
Aujourd’hui, la demande sociale est du côté du symptôme à effacer (l’hyperactivité, les TOC…), de la déviance à réduire (les abus sexuels), tandis qu’on ne parle plus guère du sujet et de sa souffrance. À l’inverse, la demande d’une cure-type psychanalytique n’est plus étayée sur aucune dynamique collective, elle ne peut être que le fruit d’une démarche strictement individuelle (ce qui a d’ailleurs, aussi, ses avantages) : on parle beaucoup de psychanalyse, mais la cure-type est moins à la mode et les patients se font, hélas, plus rares. N’avons-nous pas alors à réfléchir à cette immense lande entre le debriefing systématique qu’aucun individu ne réclame, et la cure-type de plus en plus rare que le socius ne soutient plus ?
C’est en effet dans ce large entre-deux que se joue en réalité l’avenir de la la réflexion psychopathologique si celle-ci veut véritablement faire une place à la souffrance psychique. Ainsi trouveront peut-être accès aux soins des groupes qui, à l’heure actuelle, n’ont pas même la représentation du fait qu’il est possible de demander quelque chose.