La Coryphée : Malheureuse femme ! Hélas ! hélas ! infortunée ! quelles douleurs sont les tiennes ! Où donc te tourner ? Quelle demeure, quelle terre hospitalière trouveras-tu, qui te sauve du malheur ? Dans quelle tempête, ô Médée, dans quels maux sans issue un dieu t’a-t-il jetée ?
Médée : Les malheurs m’assaillent de tous côtés. Qui le niera ? Mais les choses ne se passeront pas ainsi ; ne le croyez pas encore !
Service de Maternité. 18h. En fin d’une après-midi de consultations, je reçois Madame C., une jeune femme que je n’ai jamais vue. Je sais une seule chose : une gynécologue-obstétricienne de l’équipe me l’adresse dans le cadre d’un suivi d’infertilité. Je n’ai pas encore échangé avec cette correspondante et pas plus lu le dossier. Précision topographique importante : la salle d’attente de mon bureau se trouve au voisinage de chambres d’accouchés en post-partum avec leur nouveau-né.
Mme C. bondit littéralement de sa chaise et rentre dans mon bureau avec une farouche énergie. Je l’invite à s’asseoir et m’installe. Une fois assis, je m’aperçois qu’elle est restée debout au milieu de la pièce. Je suis surpris par son regard d’une farouche intensité. Ce n’est qu’un début ! Lentement et avec une émotion tragique, Mme C. me toise, puis profère avec une voix profonde, très inhabituelle dans ce contexte : « Monsieur ! Comment pouvez vous faire votre métier avec des personnes comme moi dans cet endroit ? J’ai perdu un enfant et vous me recevez dans une maternité où l’on respire une odeur de bébé et où on entend leurs cris. C’est insupportable. C’est comme ça que vous pensez m’aider ? ? Si j’avais su, je ne serai jamais venue. J’ai trouvé le courage de supporter ma douleur dans la salle d’attente uniquement pour vous dire combien je…