L’objet de ce texte est de proposer quelques pistes d’interprétation du vécu psychique d’enseignants confrontés au téléenseignement durant les périodes de confinement liées à la pandémie de Covid-19. Ce travail, inscrit dans une démarche clinique d’orientation psychanalytique en sciences de l’éducation, s’appuie sur des discours d’enseignants recueillis à partir d’entretiens non directifs de recherche et de récits à propos de leur vécu en tant que professionnels, durant cette période.
Numérique dans l'enseignement, remède ou poison ?
Les pratiques enseignantes se développent ordinairement entre des processus, d’une part, de déliaison qui se traduisent notamment par le désir de donner la bonne forme à l’autre, voire de le déformer (Enriquez, 1981), de le piloter dans un dispositif sécurisé (Vial, 2010) et, d’autre part, de construction et de renforcement du lien, d’accompagnement de l’autre dans son processus de subjectivation. Les pratiques médiatisées par les outils numériques mettent particulièrement en évidence ces processus, tant elles exacerbent les vécus de toute-puissance, de morcellement, de désubjectivation, mais également les processus de création, de jeu, de contenance dans des espaces transitionnels (Rinaudo, 2011). Les technologies numériques peuvent être pensées à l’aide du concept de pharmakon, qui peut tout aussi bien guérir ou empoisonner, comme je l’ai proposé dans l’introduction du dossier de la revue Cliopsy consacré au numérique. En effet, les technologies libèrent l’être humain et le constituent en sujet-augmenté mais aussi l’asservissent, dans une tension permanente entre subjectivation et déliaison (Rinaudo, 2019).
Lors des confinements liés à la pandémie de Covid19 en 2020 et 2021, les enseignants, à tous les degrés du système éducatif, ont été amenés à mettre en œuvre la « continuité pédagogique ». À cette fin, ils ont utilisé les réseaux numériques pour distribuer des ressources aux apprenants :…