Préambule
Mettre au travail la question de la bisexualité psychique à l’aune des expériences du corps d’une part et dans une traversée de l’enfant à l’adolescent d’autre part est une gageure.
Ancrée à la clinique de l’enfant, c’est sur l’expérience auprès d’hermaphrodites, bisexualité anatomique par excellence (!), que notre réflexion sur la bisexualité psychique s’étaye. Si l’hermaphrodisme brouille les repères de la condition humaine et nous saisit, ce saisissement constitue l’indice de l’effacement de la dimension du refoulé propre au sentiment d’inquiétante étrangeté. L’hermaphrodisme ébranle également le socle de la théorie psychanalytique freudienne qui affirme dès 1923, « l’anatomie, c’est le destin ». Les sujets nés avec un trouble du développement du sexe, ou encore avec une déviance anatomique par rapport à une norme, génèrent en chacun une expérience de confusion voire de vertige tant l’indétermination du sexe à la naissance constitue un point de butée autour de la différence.
Le concept de « bisexualité » n’apparaît que rarement dans la métapsychologie. Quand Freud l’aborde, c’est pour mettre l’accent sur son statut incontournable chez l’être humain et sa nature psychique en regard de la proposition de Fliess d’une bisexualité organique (Freud, 1908). Elle est présente dès les premiers temps de la vie pour Freud qui affirme que « naître bisexuel est aussi évident que naître avec deux yeux. Un mâle ou une femme sans bisexualité serait aussi inhumain qu’un cyclope » (Freud & Bullitt, 1930-1938). L’intrication entre le visuel et la bisexualité est ainsi avancée tout comme le risque de la monstruosité incarnée par la figure du cyclope. L’intégration de la bisexualité passe donc par le regard : voir ce qui manque chez les unes et pas chez les autres au niveau manifeste, sous-tendu par un…