Les lecteurs de Ian McEwan verront dans ce titre le petit clin d’œil que je lui adresse pour son roman Dans une coque de noix, ce drôle de récit entre thriller et réflexion philosophique sur le statut du fœtus1. L’écrivain nous mène in utero où il prête sa voix à un fœtus en pleine interrogation sur la qualité de son environnement et sur le sens de ce qui va lui arriver à la naissance. Il faut dire que personne ne semble disposé à l’accueillir correctement. Ce qu’il vit dans l’abri, à la fois fragile et fort, du cocon utérin passe inaperçu pour l’entourage sensé l’accompagner dans ses premiers vécus. Je compris ce qui m’avait poussée à le relire quand, refermant le livre, je me fis la réflexion suivante. N’étions-nous pas occupés à laisser dans l’ombre de la crise sanitaire les bébés nés durant les longs mois de confinement ?
Aux deux extrémités de la vie
Lors de la première vague de l’épidémie, l’urgence sanitaire a supplanté l’urgence humaine. Le focus a été mis sur la protection des aînés, du fait du taux d’hospitalisation et de décès dans cette partie de la population considérée alors comme la plus vulnérable. Un isolement drastique leur a été imposé, sans qu’on réalise la douleur qui en découlerait, ni les conséquences tragiques d’une telle déprivation relationnelle pour eux et leurs proches. Leur raison de vivre, leur vitalité psychique et physique en ont été bouleversées, conduisant à des situations dramatiques dans l’accompagnement de leur quotidien, de la maladie, voire de leur fin de vie. Tandis que l’attention se focalisait sur la protection des grands et arrières grands-parents, l’autre extrémité de la vie semblait oubliée. De fait, on ne s’est pas vraiment soucié…