Dans son discours Le savant et le Politique (1919), Max Weber s’interroge sur la responsabilité des pacifistes allemands dans le déclenchement de la première guerre mondiale ; et plus généralement des fonctionnaires et politiques. Il distingue une « éthique de conviction » (déontologique, idéaliste, mais projective), à une « éthique de responsabilité » (téléologique, qui répond à des « conséquences prévisibles de ses actes », tenant compte des « défaillances communes de l’Homme »). Dans une tension dialectique entre ces pôles, la psychiatrie comme la politique, sont lieu de violence ; violence paradoxale dans son fondement (Hochmann, 2015) : en même temps qu’ils internent les « aliénés » (donc les excluent au service de la norme sociale), Jean-Baptiste Poussin et Philippe Pinel les libèrent (et tentent une subjectivation).
Par ailleurs, le quotidien du soignant s’étire entre une éthique de l’Autre (singulier, irréductible à tout autre) et une éthique de santé publique (collective). Ainsi, malgré des inégalités « indignantes », on ne peut céder au déni des conditions économiques permettant notre action. La maîtrise des dépenses de santé reste un impératif éthique : d’une part pour ne pas léguer cette dette à nos enfants ; l’impératif catégorique kantien devient alors « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie (…) le plus longtemps possible » (Jonas, 1979) ; d’autre part, dans un souci de juste répartition des dépenses publiques (éducation, justice, etc..) concourant d’ailleurs eux-mêmes à la santé (Rameix, 2002).
Néanmoins, la France d’après-guerre s’est donnée les moyens d’une maîtrise médicalisée de ces dépenses, grâce à la création de la Sécurité Sociale (1945) : centrée sur les besoins des personnes ; non sur la loi de l’offre (maîtrise budgétaire) ou de la demande (maîtrise libérale) ; situant la médecine « hors marché ». Cette maîtrise revient à « la recherche pour chaque patient…