Parmi les différentes formes de création artistique, il y en a une qui a pour particularité d’être productrice, au sens grec ancien de production (poiesis) : la création architecturale. Les philosophes antiques réservaient ainsi à l’architecte un statut particulier, étant donné que son activité contient une partie de pensée pure, abstraite (ce que l’architecte conçoit dans un premier temps dans sa pensée), et une partie de réalisation concrète. L’architecte est ainsi comparable au démiurge du Timée de Platon qui façonne le monde sensible après avoir visionné les Idées platoniciennes.
La création artistique n’est pas sans intéresser la psychanalyse, quand bien même Freud a souvent dit qu’elle est difficile à approcher : « Force nous est d’avouer que l’essence de la réalisation artistique nous est (…) psychanalytiquement inaccessible » (Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci). S’il est difficile de dire d’où vient la capacité de l’artiste à créer, il est possible de s’interroger sur ce qui peut l’entraver en plein milieu de son activité créatrice ; les obstacles internes qui peuvent surgir et l’empêcher de terminer une œuvre. Car s’il est vrai que l’acte créatif d’une œuvre d’art en son sens large (le Kunstwerk littéraire, musical, pictural autant qu’architectural) peut correspondre à une « sortie hors du symptôme »1, il n’en reste pas moins que le symptôme ne disparaît pas pour autant. Parfois même, il resurgit et s’étale au grand jour. Ainsi, Freud invite à examiner chez les artistes « la proportion entre capacité de réalisation, perversion et névrose » (Trois essais sur la théorie sexuelle).
La régression s’invite volontiers sur les chantiers artistiques. Elle peut être porteuse, mais souvent elle peut être lourde à porter. Nous allons nous intéresser à un cas de régression dévastatrice, traversée par un architecte qui n’est pas parvenu…